J’ai toujours été en recherche de mon propre personnage.
Le fait d’enseigner le clown m’a permis d’approfondir cette recherche. Ce questionnement permanent est présent dans chacune de mes créations.
Pourtant, je n’ai pas commencé avec le clown. Mais mon personnage quant à lui l’était déjà sans s’en rendre compte.
Dans mon petit village natal, au plat pays, chez les Ch’ti, je faisais déjà figure d’humoriste. Au tout début d’abord, à mes vingt ans, quand j’étais alors facteur. Garçon rêveur et maladroit, j’ai eu droit à quelques gamelles mémorables sur mon vélo qui faisaient rire le village tout entier à qui je distribuais le courrier.
J’étais leur personnage familier, le porteur des missives les plus intimes, arpentant à toute berzingue les ruelles du village et repartant avec le bon-jour souriant des bonnes nouvelles ou l’a-dieu des mauvais jours.
A vélo, je pouvais parcourir chaque jour des dizaines de kilomètres. Cela me donnait une liberté et une grande proximité avec les gens du village
C’est un hasard si je suis arrivé au théâtre. Peut-être que le métier de facteur m’y a poussé, peut-être aussi les 3e mi-temps du dimanche, le souvenir du bar des amis d’en face...
Et de l’allure de mon père toujours prêt à imiter les ivrognes du coin quand il avait lui-même un coup dans le nez.
Mais à l'âge de 20 ans j'ai été muté à Paris (parcours obligé à l’époque dans le métier de postier). Mon village me manquait, je m’ennuyais et je suis entré par hasard dans un cours de théâtre. Sans comprendre comment, ni pourquoi, empêtré dans mon accent du nord et dans un corps mal dégrossi, je faisais hurler de rire les étudiants du cours.
Mon clown était né, sans le savoir.
Et sans le savoir encore, j’ai recréé ces rires de mon village, cette proximité avec le public, ceux qui n’ont pas tout à fait accès à la culture et dont je me sens si proche : les décalés, les incompris, les marginaux, les loosers.
Et ce ratage permanent chez certains, cet à côté mis de côté… qui mieux que le clown pour l’exprimer ?
Alors que j’avais commencé à jouer sans nez, voilà qu’aujourd’hui je le laisse à nouveau de côté avec Monsieur Bernard le personnage du nouveau spectacle de la Cie, "Astuces en Cuisine".
De toute façon, comme chacun sait, ce n'est pas le nez qui fait le clown.
Ce qui fait le clown, c'est le désir chevillé au corps de déclencher le rire du public car c'est la grande promesse du clown.