La pédagogie du clown /par Fred robbe
Être ou ne pas être clown ?
Temps de lecture 5'
Qu’est-ce qu’un clown, aujourd’hui, au théâtre ?
Qu’est-ce qui fait que c’est du clown ?
Qu’est ce qui fait que ça n’en est pas ?
Et d’ailleurs, est-ce qu’un clown doit avoir un nez ?
A mon sens, ces questions clown/pas clown nous enferment beaucoup trop.
Le clown est avant tout un langage. Un moyen d’écrire, de jouer et de représenter un genre au théâtre.
Qu’est-ce qui fait que c’est du clown ?
Qu’est ce qui fait que ça n’en est pas ?
Et d’ailleurs, est-ce qu’un clown doit avoir un nez ?
A mon sens, ces questions clown/pas clown nous enferment beaucoup trop.
Le clown est avant tout un langage. Un moyen d’écrire, de jouer et de représenter un genre au théâtre.
La pédagogie du clown est toute récente, elle date de l’école Jacques
Lecoq : « Chaussez le nez et suivez-le ! »
Que suit le clown au juste ? Son intuition ? Son obsession ? Ses affects ? Son partenaire ? Qu’importe, du moment qu’il est en voyage. Telle une marionnette pilotée par son fil, le clown est emporté par quelque chose de plus grand que lui.
Le jeu clownesque est avant tout un rapport à l’inconscient.
Quand le clown est guidé par son inconscient, alors la dynamique du jeu s’invite au plateau. L’inconscient étant par définition insaisissable, être dans son clown, c’est être dans un état de conscience modifié, quelque part entre la veille et le sommeil, à la frontière de la transe.
Aller vers son clown permet de re-trouver notre part d’enfance enfouie et de se re-lier avec une liberté à la fois jubilatoire et cathartique.
Ensuite, il est nécessaire pour le clown de prendre le temps de recevoir « son réel » et de l’interroger :
1-Qui je suis ? (Dans quel état je suis ?)
2-Qui est l’autre, le partenaire ? (Comment me perçoit-il ? Qu’est-ce que sa présence me fait ?)
3-Qui est le public ? (Et comment sa présence modifie mon état ?)
La prise de contact avec le réel est primordiale. Elle permet de co-construire l’improvisation, en conscience, avec les partenaires en présence.
Les ateliers
Vient aussi la question des outils. Dans les ateliers que je dirige, je mets à la disposition des acteurs une boîte à outils qui va leur permettre de se situer au plateau, en conscience, et de se structurer en tant qu'improvisateur-clown.
Depuis 20 ans, j’ai répertorié une cinquantaine d’outils.
Par exemple, l’aveu, qui est pour moi la pierre philosophale du clown. C’est grâce à l’aveu - le clown sait faire face au réel- que le clown a le pouvoir de se sortir de n’importe quelle situation et de toute improvisation, même les plus mal embarquées.
L’atelier est structurant car l’acteur vient mettre le métier sur l’ouvrage et requestionne son savoir-faire. C’est cette pratique régulière qui permet à l’acteur de se former au clown.
Les stages
A contrario, ou plutôt en complément, les stages sont des voyages tissés vers l’imaginaire. Les stagiaires naviguent au gré des flots, des rencontres, et des découvertes qu’ils font. On n’y apprend pas le métier (pas le temps !) mais c’est beaucoup plus stimulant et c’est en stage que naissent les vocations.
Des stages, j’en propose tout au long de l’année, où le clown est en lien à l’objet, à la voix, au masque neutre, aux percussions corporelles. Ils permettent à l’acteur d’acquérir d’autres cordes à son arc.
La grande spécificité pédagogique de la compagnie est le stage « Ecriture et clown » que j’ai créé pour répondre à une demande. C’est ainsi que j’ai transmis mon expérience d’« auteur au plateau ».
Je dis « auteur au plateau » car les allers-retours entre la table et le plateau sont la spécificité de l’écriture clownesque.
Si le clown est un métier, être auteur en est un autre. Il s’apprend, ou plutôt il s’éprouve.
Si la finalité du clown est de découvrir sa propre écriture, pour l’auteur il s’agit de pouvoir la re-présenter.
Et comme toute représentation a des règles, les connaître permet un dialogue en conscience entre l’auteur et le clown. Car le clown ne veut pas toujours ce que veut l’auteur, et vice-versa...
C’est un défi constant que de vouloir réunir le mental et la chair. Et s’il est nécessaire de distinguer l’auteur et le clown, il s’agit aussi de les mettre en commun afin que l’écriture puisse prendre corps.
L’enjeu serait : comment re-présenter ce que l’on a déjà joué sans perdre la spontanéité ? Comment rester vivant tout en sachant exactement de quoi il en retourne ?
Pour ce stage Ecrire pour le Clown, j’ai créé une méthodologie, des grilles (un peu comme des grilles d’accords en musique) qui permettent aux clowns et aux auteurs d’écrire et de composer ensemble.
Les participants sortent du stage avec une forme clownesque. Cette forme est loin d’être définitive, car l’étape suivante est de continuer à l’éprouver.
Comment ? En la confrontant au public. Toute la spécificité du jeu clownesque est là : c’est avec le public que le clown écrit.
Plaidoyer pour les clowns
Pour terminer sur une note politique et militante, nous, les clowns, avons besoin de temps pour parfaire nos créations et pour faire avancer notre écriture.
J’aspire à un lieu du Clown, en France, reconnu par les instances culturelles où le clown serait pensé comme une écriture singulière.
Où on lui donnerait les moyens de la production et de la diffusion nécessaire à son épanouissement.
Le clown est sous-coté ou carrément décoté dans les lieux de théâtre.
Oui, il existe bien quelques clowns au sein du théâtre public subventionné. Mais ils existent comme « nouveaux clowns » associés au nouveau cirque.
Or, si le clown appartient historiquement au cirque, il fait partie intégrante du paysage théâtral.
Alors pourquoi le voit-on si peu dans les grands théâtres parisiens ou sur les scènes nationales en région ?
Est-ce à cause du maquillage et de ses attributs qui le renvoient à ce looser originel, au paillasse ou à l’animateur des foires ?
On a l’impression aujourd’hui qu’il faut jouer sans nez et sans maquillage pour pouvoir avoir une chance d’être programmé dans un haut lieu culturel.
Courrons-nous le risque d’avoir des clowns qui n’oseront plus affirmer leur posture de clown et se cacheront derrière de fausses dénominations pour continuer à pouvoir tout simplement jouer ?
Or c’est sur les planches que j’ai envie de voir le clown, pas seulement dans la rue ou en hôpital. Parce que j’aime le théâtre et que le clown y a toute sa place.
Vive les clowns !
Que suit le clown au juste ? Son intuition ? Son obsession ? Ses affects ? Son partenaire ? Qu’importe, du moment qu’il est en voyage. Telle une marionnette pilotée par son fil, le clown est emporté par quelque chose de plus grand que lui.
Le jeu clownesque est avant tout un rapport à l’inconscient.
Quand le clown est guidé par son inconscient, alors la dynamique du jeu s’invite au plateau. L’inconscient étant par définition insaisissable, être dans son clown, c’est être dans un état de conscience modifié, quelque part entre la veille et le sommeil, à la frontière de la transe.
Aller vers son clown permet de re-trouver notre part d’enfance enfouie et de se re-lier avec une liberté à la fois jubilatoire et cathartique.
Ensuite, il est nécessaire pour le clown de prendre le temps de recevoir « son réel » et de l’interroger :
1-Qui je suis ? (Dans quel état je suis ?)
2-Qui est l’autre, le partenaire ? (Comment me perçoit-il ? Qu’est-ce que sa présence me fait ?)
3-Qui est le public ? (Et comment sa présence modifie mon état ?)
La prise de contact avec le réel est primordiale. Elle permet de co-construire l’improvisation, en conscience, avec les partenaires en présence.
Les ateliers
Vient aussi la question des outils. Dans les ateliers que je dirige, je mets à la disposition des acteurs une boîte à outils qui va leur permettre de se situer au plateau, en conscience, et de se structurer en tant qu'improvisateur-clown.
Depuis 20 ans, j’ai répertorié une cinquantaine d’outils.
Par exemple, l’aveu, qui est pour moi la pierre philosophale du clown. C’est grâce à l’aveu - le clown sait faire face au réel- que le clown a le pouvoir de se sortir de n’importe quelle situation et de toute improvisation, même les plus mal embarquées.
L’atelier est structurant car l’acteur vient mettre le métier sur l’ouvrage et requestionne son savoir-faire. C’est cette pratique régulière qui permet à l’acteur de se former au clown.
Les stages
A contrario, ou plutôt en complément, les stages sont des voyages tissés vers l’imaginaire. Les stagiaires naviguent au gré des flots, des rencontres, et des découvertes qu’ils font. On n’y apprend pas le métier (pas le temps !) mais c’est beaucoup plus stimulant et c’est en stage que naissent les vocations.
Des stages, j’en propose tout au long de l’année, où le clown est en lien à l’objet, à la voix, au masque neutre, aux percussions corporelles. Ils permettent à l’acteur d’acquérir d’autres cordes à son arc.
La grande spécificité pédagogique de la compagnie est le stage « Ecriture et clown » que j’ai créé pour répondre à une demande. C’est ainsi que j’ai transmis mon expérience d’« auteur au plateau ».
Je dis « auteur au plateau » car les allers-retours entre la table et le plateau sont la spécificité de l’écriture clownesque.
Si le clown est un métier, être auteur en est un autre. Il s’apprend, ou plutôt il s’éprouve.
Si la finalité du clown est de découvrir sa propre écriture, pour l’auteur il s’agit de pouvoir la re-présenter.
Et comme toute représentation a des règles, les connaître permet un dialogue en conscience entre l’auteur et le clown. Car le clown ne veut pas toujours ce que veut l’auteur, et vice-versa...
C’est un défi constant que de vouloir réunir le mental et la chair. Et s’il est nécessaire de distinguer l’auteur et le clown, il s’agit aussi de les mettre en commun afin que l’écriture puisse prendre corps.
L’enjeu serait : comment re-présenter ce que l’on a déjà joué sans perdre la spontanéité ? Comment rester vivant tout en sachant exactement de quoi il en retourne ?
Pour ce stage Ecrire pour le Clown, j’ai créé une méthodologie, des grilles (un peu comme des grilles d’accords en musique) qui permettent aux clowns et aux auteurs d’écrire et de composer ensemble.
Les participants sortent du stage avec une forme clownesque. Cette forme est loin d’être définitive, car l’étape suivante est de continuer à l’éprouver.
Comment ? En la confrontant au public. Toute la spécificité du jeu clownesque est là : c’est avec le public que le clown écrit.
Plaidoyer pour les clowns
Pour terminer sur une note politique et militante, nous, les clowns, avons besoin de temps pour parfaire nos créations et pour faire avancer notre écriture.
J’aspire à un lieu du Clown, en France, reconnu par les instances culturelles où le clown serait pensé comme une écriture singulière.
Où on lui donnerait les moyens de la production et de la diffusion nécessaire à son épanouissement.
Le clown est sous-coté ou carrément décoté dans les lieux de théâtre.
Oui, il existe bien quelques clowns au sein du théâtre public subventionné. Mais ils existent comme « nouveaux clowns » associés au nouveau cirque.
Or, si le clown appartient historiquement au cirque, il fait partie intégrante du paysage théâtral.
Alors pourquoi le voit-on si peu dans les grands théâtres parisiens ou sur les scènes nationales en région ?
Est-ce à cause du maquillage et de ses attributs qui le renvoient à ce looser originel, au paillasse ou à l’animateur des foires ?
On a l’impression aujourd’hui qu’il faut jouer sans nez et sans maquillage pour pouvoir avoir une chance d’être programmé dans un haut lieu culturel.
Courrons-nous le risque d’avoir des clowns qui n’oseront plus affirmer leur posture de clown et se cacheront derrière de fausses dénominations pour continuer à pouvoir tout simplement jouer ?
Or c’est sur les planches que j’ai envie de voir le clown, pas seulement dans la rue ou en hôpital. Parce que j’aime le théâtre et que le clown y a toute sa place.
Vive les clowns !